14.4.13




À l’abordage d’un fleuve agité…

Certaines  manifestations me retournaient intérieurement m’indisposant à un point que je dormi d’un sommeil des plus profond, le temps toujours aussi frisquet me confortait dans mon endormissement et je m’estimais heureuse de ce fait.

Encore quelque temps, une petite période de quelques jours, peut-être une ou deux semaines, qui sait?...Un mois, plusieurs mois, une année complète, peu importe et d’ici là, je me disposais à la chose.

D’habitude j’ai tendance à patienter sans trop broncher, tout dépend de l’objet de mon attente, seulement j’ignorais ce qui me rendait aussi patiente. Si j’avais su que le voyage m’entrainerait dans une sorte de dépouillement, en fait j’ignorais tant de chose que j’en oubliais même ce que je connaissais.

Aussi, dans cette fastidieuse attente, il m’apparaissait de plus en plus évident que nous étions tous dans la même galère et que peu importe le rôle qui nous était assigné, nous éprouvions le même désir ardent d’être libéré de notre prison. Chacun ayant construit une cellule à leur image avec des barreaux aussi solide que notre propre entêtement.

 L’homme ne se trouve qu’en se perdant joyeusement, qu’en se désappropriant totalement de soi. – ZUNDEL


Impossible de prévoir l’imprévu, il ne me restait plus qu’à m’en remettre à infiniment plus grand que ma petite personne, c’était donc ça…me désapproprier de moi-même, me dépouiller dans tout les sens du terme.

(…) Il ne peut être question de dire qu'à partir de là l'homme qui ne sent pas qu'il est un problème, l'homme qui ne sent pas que son «je-moi» qu'il a toujours à la bouche c'est un cadenas, c'est une prison, ce n'est pas lui c'est simplement  le poids de tous les déterminismes, le poids de toutes les servitudes internes qui sont les pires. Car si je suis l'esclave de mes préjugés, de ma convoitise, de ma cupidité, de mon ambition, de mon orgueil, de mon avarice, je suis ligoté, je suis cadenassé dans la prison la plus étanche.

Tout le problème est celui de notre libération : pouvons-nous passer d'un moi possessif qui est une prison, à un moi oblatif, offert, qui est un espace illimité ? Devenir un bien commun, un bien universel tel que toute l'humanité soit intéressée à le défendre ?

Les Droits de l'homme supposent que chacun porte en lui-même le bien commun, qu'il est le bien commun, qu'il est un bien universel, parce que sa solitude est une source inépuisable de Lumière et d'Amour. Nous sommes loin du compte !
Cela, évidemment, c'est l'appel, c'est cela notre vocation, c'est cela l'exigence fondamentale (…) Tout est changé : voilà l'égalité, la seule qui ait un sens. Non pas être tous dans la même situation  mais chacun porteur de Dieu, capable d'être le centre du monde dans ce soleil divin qu'il peut faire rayonner sur toute la création.

Si bien que le plus silencieux, le plus infirme, le plus malade, celui qui ne peut pas bouger au fond de son lit, celui qui est caché au fond d'une cellule ou d'un désert il peut être, pour le monde entier, un espace libérateur, s'il est, simplement, s'il existe en forme d'amour.   - Maurice Zundel, prêtre suisse 1897-1975


On ne naît pas libre, on le devient.  – Rimbaud

À l’heure du matin printanier, aucune fleur odorante pour m’exalté, j’humais alors l’odeur de la pourriture hivernale, elle annonçait la germination, invisible pour le moment mais ce n’était qu’une question de temps. Et puis le froid s’installa de nouveau, les eaux du fleuve se contractèrent et la terre se durcie une fois de plus.

Durant ce temps je m’adonnais à filmer mon environnement comme une enfant qui découvre le monde terrestre pour la toute première fois, à mon cœur l’ensemble qui m’était donné à observer me remplissait d’une joie nouvelle. Pourtant rien n’avait changé, du moins en apparence, à la surface des choses c’était du pareille au même, cette valse du va et vient de la vie à l’intérieur de ses courants… ascendants et descendants.

Ma patience se renouvelait à chaque instant, même dans les situations où normalement l’impatience aurait prit le dessus, j’étais neutralisé par cet état d’être, au fond, l’amour prenait racine, je n’étais plus qu’une forme d’amour en devenir.

La liberté est sûrement relative à chacun, difficile de définir ce qu’elle représente pour l’ensemble, pour ma part, la liberté est à l’image du vol de l’oiseau. L’insoutenable légèreté de l’être qui ne pèse plus le poids de l’existence, peu importe la situation d’urgence, du manque jusqu’à la pauvreté suprême.

Est-ce que l’oiseau se soucie de ce qu’il va manger demain?