25.3.13

La tempête des corneilles. . .



 


Fondait au village la neige au soleil, noirci de sa pureté hivernale cette chère neige adorée quittait notre paysage pour s’en retourner à l’oubli. La brume des derniers jours en était porteuse, soulevé du sol, elle s’évaporait sur nos visages heureux de ce retour du beau temps. Sourire était donc de mise, nul besoin d’y penser ou de se forcer à la chose, tous souriait, même les vrais de vrais mal-heureux y allaient de leur petit sourire en coin. Heureux du printemps comme-ci l’hiver nous l’avions sur-vécu…décongelé du point de congélation, au-delà du zéro, nous remontions la pente des degrés Celsius, réjouies de voir les chiffres augmenter, nous étions ivres de cette fièvre printanière.

Au loin le cri des corneilles s’élevait bien haut en entraînant tous nos chagrins d’hiver, seulement, très peu des nombreux heureux remarquèrent la présence de ces dernières, à vrai dire, jamais elles n’avaient reçu le respect qu’elles méritaient. Hommes et femmes voyaient en elles des oiseaux de malheur, dure réalité pour ce volatile qui depuis la nuit des temps nous encourageaient de leur cri à bousculer les lois physiques, question de nous aider à transformer ce monde actuel en un monde de paix mais ça, personne le savait.

L’ivresse des derniers jours se dissipa subitement pour laisser place à de gros nuages menaçants. Le ciel à nouveau voilé se chagrina et les heureux devinrent aussi mal-heureux que leur contraire. Une fois la nuit venue tous tombèrent endormi d’un sommeil qui en disait long sur leur déception. Même si le printemps arrivait à grand pas, l’hiver tenait bon, les degrés chutèrent à nouveau et on chercha en vint un responsable…mais voilà, personne ni même dieu n’était à blâmer. Désolation au village, tous restèrent encabanés dans leur chaumière à maudire l’hiver. Les jours se suivirent dans une dégringolade sans fin des degrés que nous avions reçus, le froid, le vent et la neige reprirent leur droit sur nous, nul besoin de vous dire que le malheur frappa le village. Il leur fallait trouver un coupable digne d’être au banc des accusés, un bouc émissaire, peu importe, il serait le sacrifié qui permettrait à l’ensemble des mal-heureux d’être enfin libérés des conditions hivernales devenues infernales. Voilà que tous cherchèrent à juger ce qui était condamnable, les uns et les autres se portèrent des regards accusateurs, scrutant les comportements douteux de certains mais en vain, rien de rien, que de pauvres victimes du destin.

L’un des villageois s’étant pointé le nez dehors remarqua la présence de nombreuses corneilles, il s’aperçu que plusieurs d’entre elles formaient des spirales comme-ci elles s’appliquaient à mettre du désordre dans le ciel, jugeant la chose avec mépris, il en informa tout le village et tous observèrent les corneilles et tous les accusèrent sans que personne n’en dise le contraire!

Mais les corneilles n’étant point dupes n’accordaient guère d’importance aux médisances, elles craillaient, elles graillaient comme pas une mais comme des centaines, des milliers de corneilles noires parmi les flocons blancs.

Toujours est-il que l’hiver dure un temps, rien de surprenant…les mal-heureux peuvent bien se lamenter, leur calvaire achève et c’est ainsi depuis que le monde est monde. Un monde polarisé d’obscurité et de lumière et nous en sommes les dignes loques-à-terre. Alors que dire de cette dernière tempête de neige que les vieux sages nomment la tempête des corneilles voilà qu’elle nous fait réagir intérieurement, notre soif de beau temps, de douceur et de chaleur nous rend impatients, seulement nous passons à côté de l’essentiel…Ce dernier sursaut hivernal a sa raison d’être, rien ne sert d’accuser l’ordre naturel du vivant. L’humain peut bien maudire ce qui est hors de son contrôle, juger ce qui lui déplait et souffrir de son manque d’émerveillement, en somme, il n’a guère de pouvoir sur grand-chose. Et même si en lui, persiste l’obscur raisonnement que l’hiver c’est vraiment vraiment-déplaisant surtout quand la tempête des corneilles y va de son dernier vive le vent...il serait sage de chanter, c’est ce que les vieux sages en conclus!